Crise horlogère : la Suisse va-t-elle s'en sortir ?
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Pour sortir de la crise, les marques horlogères suisses devraient suivre l'exemple de Frédérique Constant. La maison genevoise est la première marque helvète à avoir sorti un garde-temps connecté, respectueux de la tradition suisse et proposé à un tarif accessible. (© Frédérique Constant)
Il y a près de deux ans, on se demandait déjà si la Suisse devait craindre un boom des montres connectées. À l'époque, certains acteurs de l'horlogerie se montraient confiants, arguant du fait que ces deux produits ne visaient pas les mêmes publics, quand d'autres se préparaient déjà à une transformation du marché. Aujourd'hui, on peut affirmer que ce sont ces derniers qui avaient raison.
Comme nous le soulignions en octobre 2014, la plupart des horlogers suisses ont sciemment choisi de ne pas suivre les évolutions technologiques et générationnelles du secteur. Un choix qu'ils paient au prix fort aujourd'hui. Depuis un an, les exportations horlogères suisses dégringolent. Mais tout n'est pas perdu pour autant. Si l'horlogerie helvète a connu de nombreuses crises, à l'image de celle causée par les montres à quartz dans les années 1970, elle a toujours su relever la tête. Pour cela, il va falloir qu'elle change de stratégie en proposant des montres adaptées à la demande de la clientèle, plus accessibles et plus créatives.
Une crise aux causes multiples
Si certains patrons de grandes marques préfèrent opter pour la politique de l'autruche, en minimisant le problème, les statistiques sont formelles : l'horlogerie suisse est en crise. Elle a enregistré en 2015 sa première baisse depuis 2009. Selon la Fédération de l'Industrie horlogère suisse (FH), la valeur des exportations horlogères se chiffrait à 21,5 milliards de francs suisses l'an dernier, soit moins de 20 milliards d'euros. Cela représente un recul de 3,3% par rapport à 2014, avec un résultat comparable à celui de 2012.
Les raisons de cette crise sont multiples, et parmi elles figure bien évidemment la démocratisation des montres connectées. À lui seul, le géant de l'électronique Apple vend actuellement la moitié de ce qu'écoulent toutes les marques horlogères suisses réunies grâce à son Apple Watch. D'ailleurs, cette dernière n'a rien à envier aux garde-temps suisses question luxe : les modèles de la gamme Edition dotés d'un boîtier en or rose ou jaune 18 carats sont proposés à des tarifs oscillant entre 11 000 et 18 000 euros. Si l'on prend en compte tous les modèles de smartwatches, on se rend compte qu'il s'en est vendu plus que des montres suisses depuis le dernier trimestre de l'année 2015.
Les montres connectées ne sont pas les seules responsables de cette récession de l'horlogerie helvète. La crise entre l'Ukraine et la Russie, la présence de Daesh au Moyen-Orient, ou encore la chute du prix du pétrole ont rendu certains acheteurs plus réticents à investir dans les garde-temps de luxe. De leur côté, les réservoirs de croissance que constituent la Chine ou l'Amérique Latine n'ont pas répondu aux attentes... la faute au ralentissement de leurs économies respectives. Globalement, on observe une baisse des exportations aux quatre coins du monde : en France, aux États-Unis, au Japon, en Italie...
Répondre aux exigences d'une nouvelle clientèle
Parmi les facteurs expliquant la crise actuelle de l'horlogerie suisse, il ne faut pas oublier l'évolution des attentes parmi les nouvelles générations d'amateurs de montres. Ces consommateurs n'ont pas forcément les mêmes goûts que leurs aînés. Ils ne recherchent pas les mêmes montres, ni au même prix. Pour réussir à séduire cette nouvelle clientèle, les marques horlogères vont devoir proposer des modèles plus accessibles, des garde-temps plus créatifs ou discrets, voire des modèles connectés. Plusieurs marques helvètes se sont d'ailleurs déjà converties aux smartwatches. C'est Frédérique Constant qui a dégainé la première, avec son Horological Smartwatch sortie début 2015. La maison a prouvé à tout le monde que tradition suisse et nouvelles technologies pouvaient cohabiter au sein d'un même boîtier. Depuis, certains poids lourds lui ont emboîté le pas, comme Tag Heuer ou Breitling.
Si l'on peut être sûr d'une chose, c'est que l'horlogerie survivra à cette crise comme elle a su le faire par le passé, notamment dans les années 1970 avec l'arrivée de montres à quartz japonaises. À l'époque, c'est Swatch qui avait sauvé l'horlogerie suisse en imaginant une montre en plastique à bas coût. Cette fois, le salut passera par une démocratisation de l'horlogerie de luxe, un phénomène que l'on peut déjà observer depuis quelques temps. Comme nous venons de l'évoquer des marques comme Frédérique Constant, mais aussi Tudor, Mido ou Tissot, parviennent à tirer leur épingle du jeu en misant sur des modèles de qualité mais abordables. D'autres jeunes marques comme MB&F, HYT ou Romain Jerome s'en sortent en misant sur la créativité, en bousculant les codes de l'horlogerie traditionnelle. Il existe donc plusieurs voies pour que l'horlogerie suisse sorte de la crise... à condition que les maisons les plus réticentes se décident enfin à voir la réalité en face et à prendre les mesures nécessaires pour s'adapter aux évolutions du marché.
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